Les progrиs techniques qu'engendrent la Rйvolution industrielle, notamment dans le secteur de la confection, favorisent la production de vкtements. Bon marchй, ils sont simples et fonctionnels, alors que la bourgeoisie prise le haut de gamme que reprйsente la haute couture, avec des maisons de prestige pour la plupart installйes а Paris, alors « capitale de la mode ». Les changements sociaux liйs а la condition fйminine qui ont lieu а la Belle Йpoque ont une influence sur la mode : des formes plus naturelles tendent а йclipser le vкtement type des dйcennies prйcйdentes, que Miki Iwagami, maоtre de confйrence au Sugino Fashion College (en), dйcrit comme « artificiellement faзonnй par les sous-vкtements de maintien ». La silhouette en « S », qui rappelle les courbes de l'Art nouveau, gagne en popularitй et le tailleur pour femmes fait son apparition, se composant d'une veste, d'une jupe et d'un chemisier, ce dernier se dйmocratisant ; le dessinateur amйricain Charles Dana Gibson le rend familier а travers ses Gibson Girls. « Taille ultra-fine, poitrine gйnйreuse soulevйe vers l'avant et croupe saillante sont les trois impйratifs de la silhouette en « S » » poursuit Miki Iwagami. Les crйateurs de mode fabriquent donc des corsets adaptйs (notamment en acier)17.

De nouvelles modes apparaissent : а partir de 1880, le japonisme conduit а adopter et rйinventer le kimono en robe de chambre ; vers 1880, la robe princesse, nommйe en l'honneur de la princesse anglaise Alexandra, bйnйficie d'un succиs йphйmиre, rompant avec la traditionnelle robe а crinoline pour йpouser la forme du corps ; entre les annйes 1890 et 1900, les grandes manches gigots ont un moment la cote ; les chapeaux, de plus en plus larges, s'ornent de dйcorations, comme d'oiseaux empaillйs. Les femmes aisйes, qui changent de vкtements plusieurs fois par jour et qui ont donc besoin de beaucoup de lingerie, profitent de l'essor du secteur des sous-vкtements17.

Le dйveloppement de la pratique du sport et des voyages (notamment grвce aux progrиs techniques, ferroviaires et maritimes) conduisent йgalement а l'apparition de nouveaux vкtements adaptйs. Les femmes disposent de tenues d'йquitation, de chasse ou de tennis, qui sont certes pratiques mais diffиrent peu des tenues de ville. La pratique des bains de bains de mer, qui se popularise au XIXe siиcle, se cantonne toutefois а des promenades le long de la mer, la nage restant rare ; les tenues confectionnйes а cet effet sont donc а la fois des vкtements de sport et de plage17.

En 1903, le couturier Paul Poiret lance une mode qui ne dйpend plus du port du corset, en crйant un vкtement de coupe droite et de forme ample, le « manteau Confucius ». Suivant la mкme logique, son « style hellйnique » (1906) prйsente des modиles а taille haute sans corset. Dйplaзant le centre de gravitй du vкtement fйminin de la taille aux йpaules, il entend affranchir les femmes de l'obligation de ce sous-vкtement maintenant le buste, tout en recherchant une nouvelle forme de beautй, nourrie par l'orientalisme. Le travail du couturier favorise l'avиnement, а la place, du soutien-gorge. D'autres couturiers s'inspirent aussi de modes exotiques, comme Callot Surs du japonisme ou l'Espagnol Mariano Fortuny de la Grиce antique pour sa « Delphos », une robe а plis classique. En Autriche, les Wiener Werkstдtte, un atelier de production travaillant sur l'architecture et l'artisanat, ouvre en 1911 un dйpartement de mode produisant une ligne de vкtement, dont la « robe-sac »17.

La mode, et notamment celle de Paris, se diffuse par de nouveaux moyens de communication, la presse jouant un rфle important. Vogue est crйй en 1892 а New York et La Gazette du bon ton а Paris en 1912. Des artistes comme Paul Iribe et Georges Lepape se chargent de crйer des dessins, au point qu'on a pu parler d'un вge d'or des illustrations de mode. Afin de diffuser ses collections dans d'autres pays, Paul Poiret est le premier а publier des catalogues, Robes de Paul Poiret racontйes par Paul Iribe (1908) ou Les Choses de Paul Poiret vues par Georges Lepape (1911). La capitale franзaise attire des acheteurs et des journalistes spйcialisйs, qui veulent rester а l'affыt des tendances. Chargйe d'organiser le calendrier des collections et de combattre la contrefaзon, la Chambre syndicale de couture parisienne est crййe en 1910. La fin de la Belle Йpoque, avec le dйclenchement la Premiиre Guerre mondiale, entache l'essor de Paris dans le domaine de la mode : de nombreuses femmes йtant amenйes а travailler pour pallier le manque de main d'uvre masculine, les vкtements simples et fonctionnels deviennent davantage prisйs, favorisant dйfinitivement le tailleur comme йlйment de base du vestiaire fйminin17.